Sœurs du Bon Pasteur

Suite au départ des sœurs de Cholet la revue Présences leur a consacré son dossier de Pâques 2018

Depuis 1859 le Bon Pasteur accueille les femmes blessées

L’accueil des plus fragiles est au cœur du message chrétien. Le pape François nous le rappelle sans cesse. A Cholet, la communauté des sœurs du Bon Pasteur répond à cette demande depuis 1859. Jusqu’à aujourd’hui elles ont accueilli dans leurs locaux de l’avenue Leclerc et du boulevard de Strasbourg des centaines de jeunes adolescentes abandonnées et des femmes victimes de violences. Leur œuvre se perpétue à travers le foyer Pelletier tenu aujourd’hui par des laïcs.

Marie-Euphrasie Pelletier. Une sacrée bonne femme cette Vendéenne native de Noirmoutier ! C’est elle qui, en 1835, fonde à Angers la Congrégation des sœurs de la Charité du Bon Pasteur. « Un génie ! » estime sœur Jacqueline, responsable de la communauté des sœurs du Bon Pasteur de Cholet. « Pensez qu’à sa mort, en 1868, elle avait fondé 110 établissements pour accueillir des femmes et des adolescentes victimes de violences ». Des centaines d’entre elles ont bénéficié dans ces maisons de cette œuvre de miséricorde née dans le cœur d’une religieuse pour qui « toute personne compte aux yeux de Dieu ». Sa pédagogie est simple mais efficace : délicatesse, respect et douceur. Cette pratique des vertus évangéliques lui vaudra d’être canonisée en 1940.
Tout brûle en 1893
A Cholet, l’aventure commence en 1859. Les sœurs du Bon Pasteur répondent à l’appel de l’abbé Hortode, curé de la paroisse saint Pierre. Les Annales de la Congrégation racontent que c’est une demoiselle Chatain qui a d’abord accueilli la communauté chez elle, rue de la Moine. Un mois plus tard, Melle Chatain achète un vaste terrain à « Bois-Grolleau », agréablement situé mais tristement célèbre par les massacres de 1793 ». La communauté s’y installe l’année suivante. Des bâtiments sont construits pouvant accueillir 80 pensionnaires. En 1866, une communauté de sœurs contemplatives (une volonté de Marie-Euphrasie qui croit en la force de la prière) s’ajoute à l’œuvre existante. En 1880, 364 personnes (religieuses et pensionnaire) se trouvent sur les lieux. Cet effectif sera constant jusqu’aux années 1940-45.
L’œuvre connait des vicissitudes. En 1893 un incendie détruit les bâtiments du « refuge » de l’avenue Leclerc mais les enfants sont toutes sauvées et abritées provisoirement dans les dortoirs des religieuses qui migrent au grenier ! En 1940, de nombreux réfugiés frappent à la porte de l’institution. Les sœurs doivent construire des baraquements pour les loger. « La proximité de la gare fait craindre pour leur sécurité. Religieuses et enfants sont évacuées vers d’autres communautés » racontent les Annales.
Ne pas laisser une femme dehors
Les années 1970 sont celles de la mutation de l’œuvre. Sœurs Marie-Luc et Marie-Paule racontent l’évolution : « Dans les années 1970 il y avait un centre éducatif important accueillant des adolescentes placées par le juge des enfants et la DASS... Parallèlement nous étions régulièrement sollicitées pour accueillir des femmes avec ou sans enfants en situation difficiles à la suite d’expulsions, de sorties de prison, de violences conjugales. Demandes venant de la police, de l’hôpital et de la mairie de Cholet... Ce travail correspondait à un besoin de travailler auprès des familles ». De l’accueil de jeunes filles abandonnées (moins nombreuses au fil des années) l’œuvre évolue vers l’accueil en urgence de femmes souvent accompagnées d’enfants. Un CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) est créé. Il deviendra le Foyer Pelletier en 1975.
« Très vite, raconte sœur Marie-Luc, la maison s’est trouvée pleine. Nous prenions les femmes en urgence sans critères particuliers sinon qu’elles étaient à la rue. Une nuit, vers 23 heures, la police nous a amené une femme et ses enfants. Ceux-ci montaient l’escalier extérieur à la queue-leu-leu. Nous nous demandions si la procession allait s’arrêter... Ils étaient 6 ou 7 avec la maman. Où les mettre ? Nous n’avions plus de chambres disponibles. Les enfants étaient jeunes et ne voulaient pas quitter leur mère. Nous avons cherché des matelas que nous avons serrés les uns contre les autres et ils ont dormi dans une pièce pas encore meublée au rez-de-chaussée. Les normes de sécurité n’étaient pas aussi exigeantes qu’aujourd’hui et nous étions sensibles au fait de ne pas laisser une femme dehors avec ses enfants ».
Les laïcs perpétuent l’œuvre
Dans ces années là, 25 sœurs, réparties en deux communautés, vivent encore à Cholet. Faute de recrutement, elles vont progressivement passer la main aux laïcs. En 1976 le foyer Pelletier est pris en charge financièrement par la DASS mais la congrégation, propriétaire des lieux, choisit le directeur. C’est toujours le cas aujourd’hui. William Galley dirige actuellement les deux CHRS de Cholet et d’Angers « dans l’esprit du Bon Pasteur. Nous ne sommes pas une association. Nous sommes liés à la Congrégation. Les sœurs ont gardé la gouvernance » précise-t-il. Le foyer Pelletier de Cholet accueille 28 personnes en insertion (13 familles) dont une majorité d’enfants. 9 personnes – des femmes victimes de violences – sont également accueillies en urgence dans la plus grande discrétion. « Nous sommes tout le temps complet » souligne le responsable qui est assisté de cinq travailleurs sociaux.
En janvier dernier les dernières sœurs ont quitté Cholet. Les immenses bâtiments de l’avenue Leclerc n’étaient plus adaptés à leur âge. « Nous partons mais le Bon Pasteur reste » a indiqué sœur Jacqueline lors de ses adieux à la paroisse.

Propos recueillis par Bruno Mollard